Sylvain BAUVAIS

Paléométallurgie du fer au Levant Sud et ailleurs

Sylvain Bauvais, chargé de recherche au CNRS, est en mobilité internationale au CRFJ depuis le 1er septembre 2021. Archéologue paléométallurgiste et spécialiste de la métallurgie du fer, il développe un programme de recherche innovant sur le Levant Sud, traitant de l’évolution des productions et du commerce du fer sur le long terme, de l’âge du Fer à l’époque Ottomane. Il s’intéresse plus particulièrement à l’évolution des techniques (innovations, emprunts, transferts) et des réseaux d’échanges en fonction des fluctuations dans les influences géopolitiques et géoéconomiques qui impactent l’histoire du territoire de l’actuelle Israël et de Jérusalem. Dans la continuité des recherches entamées en 2021-2022, Sylvain Bauvais a consolidé, en 2023, son réseau de recherche et poursuivi l’acquisition de données. Il a prolongé ses partenariats de recherche avec les universités israéliennes (Hebrew University of Jerusalem Israel, Tel Aviv University, University of Haifa et Ben Gurion University), a renforcé ses relations avec les services des Antiquités israéliennes (IAA) et a ainsi pu poursuivre l’étude des sites préalablement inventoriés. Pour l’âge du Fer (1000-539 BC), période qui marque l’arrivée des premières traces de métallurgie du fer dans la région, douze sites ont été inventoriés Parmi eux, deux sites font actuellement l’objet d’études archéométriques complètes (Tell el-Fâr’ah Nord et Jérusalem Kotel). L’étude du site du Kotel est particulièrement avancée et fera l’objet d’une publication dans les prochains mois. L’époque Perse-Hellénistique (539-63 BC) se caractérise quant à elle par un remarquable développement des activités de forge. Il s’agit de six sites d’habitat comportant des activités de manufacture d’objets en fer dont un est en cours d’étude (Tell Yafo). Le site de Tell Yafo est également très avancé et l’étude physico-chimique en laboratoire va pouvoir débuter en 2024. Pour la période romaine (63 BC-330 AD), pendant laquelle le fer impacte tous les champs de la société, dix sites sont inventoriés, dont trois sont en cours d’étude (Yodfat, Sepphoris et Jérusalem). Pour le site de la bataille de Yodfat (révolte juive de 67), les analyses physico-chimique (MEB et LA-ICP-MS) sont partiellement achevées et la publication peut être attendue en 2024. Pour l’époque Byzantine (330-661 BD), il s’agit de 21 sites, dont six épaves ont été étudiées et deux sites d’habitat sont en cours d’étude (Yavne et Jérusalem). Les périodes suivantes, des guerres arabo-byzantines à la fin des croisades, entrent dans l’ère chronologique de la thèse de doctorat de Jonas Horny que Sylvain Bauvais codirige avec Philippe Dillmann à l’université Paris-Saclay. Ainsi, pour la période des premiers temps de l’Islam (661-1099 AD), qui voit la diffusion de nouvelles techniques de production du fer (acier au creuset), ce sont 21 sites qui entrent dans son inventaire, parmi lesquels quatre font l’objet d’études (Jaffa, Jérusalem, Tibérias et Rahat). La poursuite de cet échantillonnage aura lieu au cours d’une mission de prélèvement réalisée par Jonas Horny en 2024. Pour la période des croisades (1099-1291 AD), au cours de laquelle la production et le commerce du fer revêt une importance stratégique et militaire, ce sont 24 sites qui ont été inventoriés : sept d’entre eux ont été étudiés en 2021-2023 lors des deux premières missions de Jonas Horny au CRFJ (Montfort, Chastelet, Belvoir, Jaffa, Khirbat al-Minya, Moza et Jérusalem). Cinq de ces sites ont subi une analyse archéométallurgique complète. Sylvain Bauvais s’occupe personnellement de l’étude de l’atelier de forge de Moza, qui représente un corpus énorme de plusieurs centaines de kilogrammes de scories de forge et de chutes métalliques. Pour l’époque Mamelouk (1261-1517 AD), maquée par l’apogée des compagnies commerciales italiennes, ce sont douze sites qui ont été inventoriés, mais aucun n’est aujourd’hui étudié. Pour la période Ottomane (1517-1917 AD), pour laquelle la principale caractéristique est une économie du fer en constant déficit, sur les sept sites inventoriés, deux sites de la ville de Jaffa ont déjà fait l’objet d’études et de publications (Bauvais 2013 ; 2021). Outre l’encadrement de la thèse de Jonas Horny, Sylvain Bauvais a participé à deux comités de suivi de thèse, et il a poursuivi son enseignement à l’université Bordeaux Montaigne dans le Master Archéométrie.

Concernant le traitement et l’analyse des données archéologiques et archéométriques, Sylvain Bauvais a défini un protocole à la fois précis, multi-équipement et multipartenaire. Une base de données SQL (IPIS : Iron Paleometallurgy in ISrael) a d’abord été mise en place, dans laquelle l’ensemble des données archéologiques et archéométriques sont répertoriées et inventoriées. Le mobilier scoriacé est traité dans la nouvelle station de lavage installée en 2022 par Sylvain Bauvais sur le toit du CRFJ. Le mobilier en fer, quant à lui, est sablé au laboratoire de restauration de l’Institut of Maritime Civilization de l’université de Haïfa. Tout le mobilier est ensuite photographié grâce à la nouvelle station photographique installée au CRFJ par Sylvain Bauvais en 2022, puis il est dessiné. Le mobilier est ensuite découpé en vue des analyses métallographiques par une tronçonneuse de laboratoire acquise par le CRFJ grâce à un financement exceptionnel du CNRS obtenu en 2022. La préparation des échantillons (enrobage et polissage) et leur étude métallographique (microscope métallographique) sont ensuite permises grâce à un équipement que Sylvain Bauvais a apporté avec lui lors de sa mobilité sous la forme d’un prêt de son laboratoire d’origine (LAPA-IRAMAT, CEA Saclay). Les études physico-chimiques (microscope électronique à balayage et ICP-MS à ablation laser) sont, quant à elles, réalisées en France, au CEA Saclay (LAPA-IRAMAT UMR7065) et à Orléans (CEB-IRAMAT UMR7065).

Tous les deux ans, Sylvain Bauvais organise et dirige une formation ANF (Action Nationale de Formation) financé par la Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires (MITI) du CNRS. En 2023, la 5th édition devait avoir lieu en novembre au CEA de Saclay mais les circonstances internationales ont obligé au dernier moment à reporter l’évènement à 2024. Pareillement, grâce à un co-financement de l’université Paris-Saclay (graduate school Humanité et Sciences du Patrimoine), du CRFJ et de l’Israel Antiquities Authority, Sylvain Bauvais avait coorganisé avec Robert Kool (IAA) un workshop intitulé « Paleometallurgy/Conservation: Complementarity or Antagonism? Towards Conservation 2.0 for Metallic Objects » qui devait se tenir en octobre 2023. La tragédie du 7 octobre en Israël et la terrible guerre qui a suivi à Gaza ont également obligé à reporter l’évènement à l’année 2024.

Sylvain Bauvais poursuit ses activités éditoriales comme membre du comité scientifique de la collection « Sciences Archéologiques » des Éditions des archives contemporaines. Il est également membre des comités de lecture de la Revue Archéologique d’Ile-de-France (RAIF) et de la Revue Archéosciences / Revue d’Archéométrie, et membre du bureau du GMPCA qui a organisé en 2023 (17-21 avril) son 24th colloque biannuel avec le CEPAM (UMR7264 CNRS, université Côte d’Azur) à Nice. Il poursuit également ses recherches de terrain sur le site paléosidérurgique de la fin de l’âge du Fer de Vert-Toulon « Les Mache Fer » dans la Marne (Champagne, France), où il conduit une campagne de fouille de deux semaines en juin-juillet chaque année. Cette fouille entre dans le cadre du programme de recherche SidérOM (Caractérisation des activités sidérurgiques de l’Ouest de la Marne) qu’il dirige en partenariat avec Maxime L’Héritier (MC Paris 8), le SRA Champagne et le LAPA-IRAMAT CEA Saclay. Dans le cadre du dispositif des bourses Jacqueline de Romilly, le chantier de fouille de Vert-Toulon a assuré et financé en 2023 l’accueil et l’hébergement de deux doctorants israéliens en archéologie de la Hebrew University of Jerusalem. Cette année, Sylvain Bauvais a également réalisé l’étude du mobilier en fer de deux sites archéologiques de l’âge du Fer en Champagne dans le cadre du Programme Collectif de Recherche (PCR) « Les complexes miniers néolithiques de la région des Marais de Saint-Gond (Marne) », dirigé par Rémi Martineau (CNRS, UMR 6298 ARTEHIS), et il a publié plusieurs articles.

 

Caroline TAÏEB

Sociologie de l’engagement des Juifs après le 7 octobre, entre la France et Israëlaléométallurgie du fer au Levant Sud et ailleurs

Dans le cadre de sa thèse, Caroline Taïeb a mené une enquête sociologique qualitative et quantitative au Japon, en japonais, auprès des burakumin (un groupe social discriminé) et des non-burakumin. Elle a aussi réalisé des entretiens avec des militants de la Ligue de libération des buraku, des universitaires et des travailleurs sociaux. Les matériaux recueillis ont été analysés en s’appuyant sur une bibliographie en langue japonaise, française et anglaise relative aux questions de racisme et de discrimination. Malgré la mise en place de mesures de discrimination positive par le gouvernement japonais et les actions militantes de la Ligue de libération des buraku, l’objectif de cette recherche – de grande envergure – était de comprendre comment la discrimination et la stigmatisation se maintenaient au fil des siècles. Tout au long de sa thèse, Caroline Taïeb met en lien la situation des burakumin au Japon avec d’autres groupes minoritaires discriminés dans le monde. Son travail montre les fortes similitudes du mécanisme discriminatoire dans des sociétés éloignées géographiquement. En prenant comme exemple le cas du Japon, elle démontre le mécanisme universel de ce processus, qui opère selon les mêmes logiques et produit les mêmes effets sur les personnes concernées.
Rattachée au CERI (Paris) et au CRFJ pour l’année académique 2024-2025, Caroline Taïeb poursuit et déplace ses réflexions sur les modalités de l’engagement. Dans le cadre d’une année de post-doctorat, elle mène, en France et en Israël, une enquête sociologique qualitative auprès des membres de la communauté juive, en abordant plusieurs thématiques visant à mieux appréhender la condition juive dans le contexte post-7 octobre 2023. Partant d’une réflexion sur la judéité, elle cherche à comprendre la force de la foi spirituelle des Juifs qui modèle leur vision du monde, leur attachement à Israël et les ressorts de leur engagement. Elle s’intéresse aussi à leur intégration au sein des sociétés dans lesquelles ils vivent, en interrogeant ceux qui sont partis (vers Israël) et ceux qui sont restés. Enfin, le regard qu’ils portent sur le conflit israélo-palestinien sera un aspect étudié. Il s’agira de donner la parole à plusieurs profils d’enquêtés sans considération d’âge ou de genre.