Conférence le mardi 18 février 2020 à 18h au CRFJ par le professeur Martin Aurell.
La croisade est une idée, voire une réalité, complexe. Elle légitime la violence armée au nom de la reprise des lieux saints et de la sanctification des croisés, en net contraste avec le message pacifique des Évangiles. Aux XIIe et XIIIe siècles, plusieurs intellectuels l’ont ouvertement condamnée. Ils ont critiqué ses contradictions idéologiques, et notamment le versement du sang par les ordres militaires, ainsi que les pertes humaines et matérielles qu’elle comporte pour un but, somme toute, bien terre à terre. « Le Christ n’a pas versé son sang pour acquérir Jérusalem, mais les âmes qu’il faut sauver », écrit, par exemple, Adam (†1212), abbé du monastère cistercien de Perseigne. Ces quelques voix hostiles à la croisade crient-elles dans le désert ? Appartiennent-elles à une minorité négligeable ou représentent-elles un courant fort répandu dans le Chrétienté latine ? Leurs critiques ont-elles influencé les gouvernants, minant à la longue l’idéal des croisés ? Remettent-elles radicalement en cause l’instrumentalisation de la religion à la guerre ? Dans leur modernité, ces questionnements ne sauraient nous être étrangers.
Martin Aurell est professeur d’histoire médiévale à l’Université de Poitiers et directeur du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (CESCM, UMR 7302, Poitiers).
Membre senior de l’Institut Universitaire de France entre 2002 et 2012, directeur de la revue internationale lesCahiers de civilisation médiévale, il est spécialiste de l’histoire de la société, des pouvoirs, de la parenté, de la culture et de la religion (Xe-XIIIe siècles). Il a publié près d’une quinzaine de livres, parmi lesquels : La Légende du roi Arthur, Paris, Perrin, 2007; Le Chevalier lettré : savoir et conduite de l’aristocratie aux XIIe et XIIIe siècles, Paris, Fayard, 2011 ; Des Chrétiens contre les croisades (XIIe-XIIIe siècle), Paris, Fayard, 2013.