Florence Heymann (éd. et trad.)
De mars à octobre 1923, un jeune Autrichien sillonne le Moyen-Orient et rédige des carnets dont il envoie les bonnes feuilles en Europe, en tant que correspondant de la Frankfurter Zeitung. La Palestine, alors sous mandat britannique une année après la Déclaration Balfour, qui entérine la création d’un foyer national juif en terre arabe, se laisse docilement découvrir à un voyageur dont le sens critique est aiguisé par une curiosité inlassable. De Jérusalem à Malte, en train, en voiture, ou à pied, Leopold Weiss traverse la région de part en part, croisant sur son chemin des silhouettes dont la diversité ethnique le fascine et des interlocuteurs qu’il interroge sur leur vision de l’avenir
De ses rencontres, Leopold Weiss rapporte des impressions, visuelles et sensuelles, mais également des analyses politiques qu’il couche sur le papier, et c’est par cette manière d’appréhender événements, choses et gens que son « carnet de voyage », rédigé au début du siècle dernier, garde une actualité fraîche. Enjeu stratégique pour l’Europe, le Moyen-Orient d’alors n’est ni moins énigmatique ni moins turbulent qu’il l’est aujourd’hui. Weiss critique l’entreprise sioniste, tenue pour source permanente de conflits, et s’enthousiasme pour le mouvement national arabe naissant.
Il poursuivra son parcours insolite qui le conduira, sous le nom de Muhammad Asad, à participer à la création du Pakistan, comme l’indique Florence Heymann dans sa précieuse introduction.
Le lecteur, pris par la lecture de ces carnets qui constituent un témoignage à la fois historique et visionnaire, appréciera tout autant leur forme littéraire savoureuse que l’acuité de leur intelligence.
CNRS Éditions, 2005
Florence Heymann, anthropologue au Centre de recherche français de Jérusalem, publie conjointement une biographie de Leopold Weiss-Muhammad Asad, Un Juif pour l’islam, Stock, 2005.